Je ne connais pas mes vrais parents. Apparemment, ma mère serait morte en couche et mon père m'aurait abandonné à des inconnus, dans cet orphelinat où j'ai vécu le plus tendre de mon enfance. On ne peut pas vraiment dire de lui qu'il était aimant, mais bon, puisque je n'étais qu'un tout petit bébé lorsqu'il m'a remis aux mains de la gouvernante, je ne pourrais même pas vous dire à quoi son visage ressemble. Pas que je lui tienne vraiment rigueur de m'avoir laissé, mais j'aurais bien voulu avoir une personne de sang qui m'aurait aimé. Juste une fois, j'aurais aimé pouvoir sentir l'amour d'une mère ou d'un père, mais bon... la vie continue.

À l'orphelinat, il y avait une femme. Je me souviens d'elle comme d'une personne extrêmement aimante, qui s'occupait de chacun de nous comme si nous étions siens. Quand je dis nous, je parle bien sûr des autres enfants. Nous étions peu, au début, et plus je grandissait, plus l'endroit devenait peuplé et vivant. Comme nous vivions tous ensemble, j'ai connu quelques personnes avec qui j'entretient toujours des relations amicales, même aujourd'hui. L'amour que nous recevions du personnel de l'orphelinat nous as tous permis de ne pas devenir de jeunes délinquants pleins de rancoeur et de colère. Pour cela je les remercie du fond du coeur. Mais toute bonne chose à une fin, et lorsqu'une histoire se termine, une autre débute quelque part.

Pour les adultes et leur monde de formulaires , l'adoption se fit sans encombres, mais pour moi, qui n'avait que sept ans cette année là, je vivais l'un des plus grands bouleversements de ma courte vie. J'avais l'impression que, pour la deuxième fois, on me rejetais. Ces femmes et ces hommes que j'avais tant aimé, je croyais qu'ils ne voulaient plus de moi, maintenant que j'étais grand. Je ne devais plus être aussi mignon que lorsque plus petit, quand n'étais-je devenu qu'une bouche de plus à nourrir ? Je crois me souvenir avoir pleuré pendant un ou deux jours d'affilé *rires*, vraiment, quel enfant gâté je faisait.

J'ai abouti chez un homme vivant seul. Il n'avait ni femme, ni enfants, ce qui me semblait étrange. On m'avait expliqué que la plupart des gens faisant appel à l'adoption étaient des couples qui ne pouvaient tout simplement pas concevoir d'eux-même. Il était évident que ce policier n'avait pas tout les éléments nécessaires pour se reproduire de lui-même, mais on m'avait parlé de couples ! Ou était donc sa femme ? Les premiers temps, j'était un jeune garçon méfiant et apeuré, mais il semblait comprendre. De ce fait, il ne m'a adressé la parole qu'une semaine plus tard, se contentant avant cela de me faire de légers signes de tête lorsqu'il était temps de manger ou de dormir. «Comment t'appelles-tu, jeune homme ?» Il me le demanda, bien qu'il le sache déjà, ce que je m'empressai de lui faire remarquer. Il éclata d'un rire que je n'oublierai jamais. Tonitruant, spontané, mais surtout, sincère. Je me suis prit d'affection pour le bonhomme et ce fut sans doute la même chose pour lui, puisque notre relation est devenue de plus en plus comme une véritable relation père/fils. Au fil des années, j'ai plus d'une fois eu l'occasion de l'accompagner sur son lieu de travail, il m'apprenait l'art des armes à feu et en contrepartie, je faisais mon lit, la vaisselle, parfois même sortait les poubelles. Je me sentais en sécurité auprès de lui.

Je le harcelais pour qu'il m'apprenne toujours plus, toujours plus vite. La nuit, lorsqu'il dormait, je lui subtilisait son pistolet et pour m'amuser, le démontait et le remontait en boucle, puis allait lui redonner au petit matin. Tous les soirs, je le pressait de me demander un tas de questions, de plus en plus difficile sur le sujet. Rapidement, je me transformai en véritable génie des armes à feu, un véritable passionné, complètement gaga.

J'ai dix-sept ans, je suis armé jusqu'aux dents, je me promène dans la rue et un imbécile décide de s'attaquer à moi. Ce fou n'a plus jamais revu la lumière du jour. Je me souviens les coups de feu, les cris des passants, le son de son corps s'étendant de tout son long sur le trottoir... C'était... c'était... grisant. Si les junkies peuvent vous affirmer, avec un peu air cinglé dans les yeux, que les premières fois sont toujours les plus excitantes, il en est de même pour les tueurs en série, j'en suis certain. En état de choc, accroupi, les bras entourant mes jambes et le visage caché, je ne pouvais m'empêcher de sourire, un sourire dément. Puis vinrent les sirènes de voitures de police, au loin, et je su que je devais changer cette expression satisfaite. Il n'y eu pas de procès. Ce n'était que de la légitime défense, non ? Ce n'était pas supposé se reproduire, même moi, qui avait adoré cela, croyait que je n'aurais plus la chance de repointer une arme sur quelqu'un et de pousser la gâchette. Je me trompais, mon père se trompait, ils se trompaient tous.

Deus Ex Machina. L'Organisation. Ma nouvelle raison d'être. Plus rien ne compte, maintenant, sauf ce que l'Organisation me demande d'accomplir. Il y a trois ans, j'ai rencontré une femme un peu spéciale. Maria, mon ange, que j'ai ramenée à l'Organisation. Si Vis Pacem, Para Bellum en voulait à sa vie, je ne pouvais décidément pas la laissée ainsi. Avec ses ailes dans le dos et son doux visage, on pourrait croire qu'elle est une jeune fille très bien, même trop bien, mais en fait, c'est tout le contraire. Elle boit, elle fume -chose que je déteste- et elle parle comme un charretier, mais c'est ce qui fit son charme, je crois. M'enfin, je ne suis pas là pour vous racontez son histoire, mais la mienne.

L'an dernier, la belle relation que j'avais avec mon paternel s'est dégradée au point où je suis déménagé. Il a finalement appris que je m'impliquais dans Deux Ex Machina. Visiblement, cela ne lui a pas plus. Nous n'arrêtions plus de nous engueuler, la situation devenait invivable. Dire qu'il n'approuve pas les choix que j'ai fait serait peu dire. Il m'a exhorté plusieurs fois déjà, de quitter l'Organisation, c'est qu'il a peur. Peur que je me fasse endoctriner, qu'il dit. Oh mon cher papa, si seulement tu savais à quel point il est trop tard pour de telles inquiétudes...

Il était là, planté comme une grande échalote devant la porte de son appartement. De l'extérieur, il pouvait sentir l'odeur nauséabonde de la cigarette. Il était là depuis un petit moment déjà, à frapper à cette porte. La devinant endormi, il frappa un peu plus fort. Toujours aucune réponse. Il décida donc d'entrer. La vision qu'il eut de la jeune femme le surpris d'abord, puis l'attrista quelque peu. L'endroit empestait l'alcool, un verre brisé s'éparpillait sur le parquet... Mais qu'avait-elle foutu la vieille ? Non pas qu'il ne l'ait jamais vu dans cet état, mais comme ils avaient une tâche à effectuer ce matin, il aurait préféré qu'elle soit plus apte à travailler. « Mon adorable Maria, t’as l’air d’un déchet. » Sandy eut un léger sourire lorsqu'il vit l'état quasi catatonique de la demoiselle, qui grinçait des dents. Était-ce dû au mot adorable, ou à déchet ? Il s'approcha pour lui donner un baiser sur le front, avant de lui annoncer la raison de sa venue. « Le Joker te réclame pour une tâche ingrate. Enfin. T’as l’habitude maintenant. » « Ta gueule pour voir? » « Outch. Tu me blesses là. »

Il ne l'était pas vraiment, il lui en aurait fallu beaucoup plus pour être véritablement blessé. Et puis il comprenait un peu qu'elle ne l'aime pas beaucoup en ce moment, personne n'aimait être réveillé tôt le matin pour aller faire Dieu seul sait quoi et surtout après une cuite. Sandy prit place aux côtés de la jeune femme, admirant une fois de plus ses ailes. Cela ne faisait pas si longtemps qu'ils se connaissaient et chaque fois qu'il la voyait, il ne pouvait s'empêcher de penser à quel point elles étaient magnifiques. Les autres pouvaient appeler cela une malformation, un phénomène inexplicable, ce qu'ils voulaient ! Pour lui, cela resterait toujours de mignonnes petites ailes. C'est alors que la main de sa compagne toucha sa joue, stoppant net son flot de paroles incessant. Elle glissa le long de son cou, le faisant frissonner. Il avait l'habitude de jouer au jeu de la séduction avec elle, mais le contraire était plutôt rare. C'est pourquoi il comprit qu'elle en avait tout simplement marre de l'entendre parler. Un sourire se peint sur ses lèvres, alors qu'elle approchait son visage angélique du sien. Pensait-elle vraiment devoir en arriver à de telles extrémités, simplement pour le faire taire ? Et bien, il devait avouer que ses méthodes étaient beaucoup plus agréables que les siennes. Amusé, il enlaça la taille de Maria et la rapprocha de lui. « Maria, Maria, ne me tente pas. » « Tu as peur de perdre ? » « Tu sais bien qu’à ce jeu, le grand Sandy ne perd jamais. » « Il arrive que les plus grands tombent de haut. » La dessus, elle avait bien raison, seulement, ce n'était pas pour cette raison qu'il se laisserait battre ce matin. Elle finit par lâcher prise, soupirant et laissant son corps s'étaler sur le divan. Le jeune homme retira son étreinte et inconsciemment, se retrouva les mains dans les poches. Elle soupira de nouveau, longuement et péniblement. « Je te rappelle que l’on doit quasiment t’escorter pour se rendre au QG. » « Je sais. » « Tout ça parce que tes ailes viennent de l’Ancien Monde. » « Je sais. » « Et que t’es poursuivie par la truc appelée Si vis Pacem.. Para Machin. » « Je sais. » « En quoi est-ce une menace, sans rires ? Des ailes. Ils sont dingues, les gens de l’Eglise. » « … Disons que pour le bien des honnêtes et cons citoyens, il y a des choses qu’il vaut mieux taire. » « Tu es une citoyenne. » « Et je suis conne. » « Tu me désespères. Nan, sérieux, il s’est passé quoi là-bas ? » « Un truc. » « Sans déc’ ? J’te rappelle que j’ai un ange, assis en face moi. » « Un cataclysme. » « Ok… Donc, tu ne m’expliqueras pas aujourd’hui non plus. » « Non. » « Tu es adorable. » « Ta gueule le rouquin. »

Encore tout cette rudesse. Elle pourrait être plus sympa avec lui, quand même. Ils étaient amis, non ? Sandy se leva et explora du regard l'appartement. Ce qu'il pouvait être sale. Les rayons de lumière pénétrant le salon laissaient voir la poussière flottant dans la pièce, c'était hallucinant. Il se dit qu'il ne pourrait jamais vivre dans un endroit aussi crade. Un truc attira son attention, un peu plus loin sur un meuble. Une photo, que la poussière n'avait pas épargnée. Il savait bien que l'ange dardait un regard suspicieux sur lui, mais il l'ignora superbement. C'était la photo d'une femme, celle-ci ressemblait beaucoup à la jeune demoiselle encore à moitié endormie sur le divan. La même tignasse blonde, le sourire en coin, l'attitude... Cadre en main, il se retourna vers son amie. « C’est ta mère ? » « Non, la tienne connard. » « Donc c’est ta mère. Toutes mes condoléances. » Il était vraiment désolé pour elle. Il le fût moins lorsqu'il l'aperçue en train de dormir. Ne savait-elle pas qu'ils avaient des choses à faire ?

Sandy reposa doucement la photo sur le meuble, puis fit quelques pas en direction de Maria, dans l'intention de la réveiller de nouveau... mais s'arrêta. Elle semblait paisible et il n'avait pas envie qu'elle se mette à le détester. Le jeune homme s'approcha encore un peu plus, pour aller s'agenouiller devant la jeune demoiselle. D'un geste lent, il replaça une mèche rebelle derrière son oreille et l'embrassa sur la joue. Il se senti tout de suite mal à l'aise et recula, pour s'adosser contre le mur, tout en continuant de regarder le visage de son amie. Il se surprit à se demander ce qu'il pensait d'elle. Il était vrai qu'il la trouvait mignonne et adorable, d'ailleurs il n'arrêtait pas de le lui dire et ce n'était pas que pour l'embêter. La jeune femme avait un charme particulier, ce petit côté rebelle la rendait, à ses yeux, plus attirante que quiconque. Malgré tout, il était loin d'être amoureux d'elle. Pourquoi ? Et bien premièrement, elle n'avait pas l'air de l'aimer des masses, même s'il savait que dans le fond, elle l'appréciait bien. Si elle le haïssait, elle ne le laisserait pas entrer dans son appartement comme ça...